Home Billets d'humeur Après les adieux vient l’héritage.

Après les adieux vient l’héritage.

written by Solène 10 décembre 2019

Chaque dimanche, j’essaie de vous laisser sur une note positive. J’essaie de vous faire rire, réagir ou réfléchir. Et souvent, je vous parle d’un sujet qui me tient à cœur, qui m’a révoltée ou moi-même fait réfléchir et réagir.
Et même si je contourne le sujet depuis quelques semaines, il y a quelque chose qui me pèse énormément ces derniers temps. Je n’osais pas en parler ici parce que c’était un sujet douloureux et intime et je craignais de ne pas pouvoir vous laisser sur une note positive.

Cependant, après réflexion, je me suis dit que probablement la plupart d’entre vous avait vécu cette situation, que vous vous étiez peut-être sentis comme moi et que vous vous reconnaîtriez dans ce que je m’apprêtais à vous dire. C’est aussi ça Bobonne, une communauté où l’on peut parler à cœur ouvert et se soutenir les uns les autres.

Il y a un peu plus d’un mois, j’ai perdu ma grand-mère*. Elle était mal en point depuis déjà un moment et nous nous y attendions. Je m’étais préparée…enfin je croyais. Je me rends compte que je n’étais pas prête à perdre mon meilleur allié.

Comme vous l’avez déjà probablement remarqué, je suis très proche de mes grands-parents (maternels et paternels). Je suis l’ainée, mes parents travaillaient alors j’ai eu, de nombreuses années, des temps privilégiés avec mes grands-parents. J’ai profité d’eux à une époque où ils étaient plein de vies, ils ont grandement contribué à mon éducation, ma façon de voir le monde, ils m’ont aidé à traverser toutes les épreuves que la vie m’a imposée, ils ont fait de leurs maisons un foyer dans lequel je me sentais en confiance.

Ma grand-mère était une femme de caractère. Certains pouvaient la trouver froide, moi je la trouvais élégante. Elle cachait son rire avec une main délicate devant la bouche. Elle aimait me parler d’une époque que je n’ai pas connue et j’aimais l’écouter parler, tant sa voix était toujours posée et gracieuse. Elle savait se défendre en une pique parfaitement ciblée mais toujours avec le sens de la formule. J’admirais son sang-froid, j’aimais comme elle menait son petit monde et par-dessus tout j’aimais la voir lâcher prise lorsque mon grand-père l’invitait à danser.

Avec ma grand-mère nous ne nous disputions jamais. Elle avait ce don que très peu de personnes autour de moi possèdent : elle savait exactement comment me parler, m’apprivoiser. Je pouvais tout lui confier, tout lui dire, elle savait quand intervenir, quand garder le silence et quand j’avais besoin de ses conseils. J’ai toujours eu le sentiment que dès ma naissance, elle s’était donné la mission de me protéger des maux du monde, de l’humain.

Ce sont les gens de notre entourage proche, ceux auxquels nous nous livrons entièrement, en qui nous avons le plus confiance, qui sont à même de pouvoir nous blesser. Une parole malheureuse, un sentiment d’incompréhension, une réaction impulsive est capable de transformer un simple moment de vie en une blessure avec laquelle nous devrons grandir et qui nous marquera et parfois transformera à vie.

Ma grand-mère ne m’a jamais blessée. Au contraire, elle était mon rempart aux potentiels attaquants, et s’ils pénétraient ma forteresse, ils passaient un sale quart d’heure. C’était mon plus fidèle allié.

Son dernier conseil remonte à quatre ans. J’avais pris la plus grosse décision de ma vie et j’étais perdue, lorsque je suis allée lui rendre visite elle m’a tout simplement dit : « Je crois qu’il est trop tôt pour faire un bilan, ma petite chérie ». Cette phrase raisonne en moi comme une sirène lorsqu’une tempête se déclenche. Lorsque mes idées se bousculent dans ma tête et dépassent l’entendement, lorsque je doute à nouveau ou que j’ai peur de l’avenir.

Aujourd’hui j’ai perdu un pilier, un rempart. Et même si je suis de nature très indépendante et que j’avance dans la vie sans peur, en prenant des risques, en me remettant en question et en comptant énormément sur moi-même, je me sens d’une certaine façon abandonnée et livrée à moi-même.

Je suis perdue. Heureusement je sais qu’il est sûrement « trop tôt pour faire un bilan, ma petite chérie ». N’est-ce pas finalement le plus précieux des héritages ?

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