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« I can’t breathe ».

written by Solène 13 juin 2020

Ne vous est-il jamais arrivé d’avoir ce besoin d’hurler à plein poumon ? De ne plus pouvoir contenir les larmes et la colère et d’avoir besoin d’un défouloir. De trouver de toute urgence quelque chose sur lequel taper, quelqu’un sur qui hurler ?
Aujourd’hui j’ai envie d’hurler ces quelques mots : « I can’t breathe ».
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Ce qui est assez génial avec l’Amérique de Trump, c’est qu’elle est relativement simple à comprendre : à la fin ce sont les blancs et les riches qui gagnent. Alors je ne dis pas que ce n’est pas le cas dans d’autres pays mais toute la magie de la politique de Trump réside dans le fait qu’il n’essaie même pas de cacher son racisme, sa misogynie et pire encore, son ignorance (pour ne pas dire sa bêtise).

Pour Trayvon Martin, Michael Brown, Ramarley Graham, Freddie Gray, George Floyd et toutes les victimes de crimes racistes, arbitraires et pour lesquels justice n’a jamais été rendue, j’ai envie d’hurler. J’ai envie d’hurler contre le système et contre tous ceux qui restent les bras croisés face à de tels crimes, comme s’ils n’étaient que des faits divers. Ils sont bien plus que cela car ils sont le reflets d’une réalité, d’un schéma qui se répète. Ce ne sont pas des « accidents », des « erreurs », ce sont des décisions fondées sur un système de pensée. 

Dans son livre « Une colère noire » Ta-Nehisi Coates s’adresse à son fils et dit : « L’Amérique blanche est une sorte de syndicat, déployé pour protéger son pouvoir exclusif de domination et de contrôle sur nos corps. Parfois ce pouvoir est direct (lynchage), parfois il est insidieux (discrimination). Mais quelle que soit la manière dont il se présente, le pouvoir de domination et d’exclusion est au centre de la croyance dans le fait d’être blanc. »

En tant que femme blanche, il est très difficile de s’exprimer correctement sur le racisme. Parce qu’après tout, qu’en savons-nous ? Comment trouver les mots justes, ceux qui ne blessent pas, n’offensent pas ? Parce que tout comme en féminisme, les hommes doivent faire partie de la lutte, lorsqu’il s’agit de racisme, les blancs doivent intégralement faire partie du combat. 

Et puisque qu’aujourd’hui nous parlons de violences et crimes commis par les forces de l’ordre, je vais utiliser précisément cet exemple pour illustrer mon propos. Que ce soit outre-atlantique ou en France, on dit souvent qu’il ne faut pas généraliser. Que seulement une infime partie des policiers agit de la sorte. Et j’en suis convaincue, mais alors… que font les autres ? Que fait la majorité ? Ne peut-elle pas exercer son pouvoir pour arrêter cela ? Il y a quelque chose qui m’échappe, dans le fait que des individus minoritaires enfreignent la loi sans que personne ne lève la main pour arrêter les dégâts. À titre d’exemple, Derek Chauvin, principal mis en cause dans la mort de George Floyd, a fait l’objet de 18 plaintes en 19 ans de carrière, sans jamais être réellement jugé ou puni. La majorité ne doit pas être si écrasante que ça…

Je crois que nous vivons dans un pays qui s’exprime tant nous battons le pavé pour nous faire entendre. C’est en nous et c’est une bonne chose. Et pourtant l’heure est de plus en plus à la censure. On décrédibilise un mouvement pour imposer sa loi. Ça existe, c’est une réalité. On ne le voit que trop souvent lorsqu’il s’agit de féminisme par exemple.

Il y a quelques jours à peine Camélia Jordana partageait son sentiment d’insécurité vis -à-vis de la police française. Elle dénonçait sur le plateau de Laurent Ruquier les contrôles incessants et arbitraires, les différences de traitement et le manque de confiance qu’elle pouvait avoir, pour ne pas dire la peur qu’elle éprouvait, face à un policier.
C’est un sentiment basé sur des faits, du vécu. Et ce n’est pas à nous de décider si elle a raison ou non. D’ailleurs comment « donner raison » à un sentiment, c’est absurde. C’est un sentiment, elle l’a partagé. Point. La moindre des choses c’est de l’écouter, de le respecter et même de le considérer surtout s’il est partagé par d’autres. Mais non. En France, en 2020, La jeune artiste s’est vue « corrigée » par le Ministre de l’intérieur lui-même : « La liberté du débat public ne permet pas de dire tout et n’importe quoi » lui a t’il répondu. Ben alors Christophe, c’est toi qui dit n’importe quoi !

« Nul n’est censé ignorer la loi » cher Monsieur, et au risque de vous décevoir : si, justement, la liberté du débat public nous permet de dire ce que l’on veut. Vous laissez bien parler Zemmour à longueur de journée ! Bref, en d’autres mots :

J’ai envie d’hurler. Et comme le disait la grande Marguerite Duras « Ecrire c’est hurler sans bruit ». Alors j’écris (souvent). C’est mon défouloir et il prend vie grâce à vous chaque dimanche, alors merci. Trouvez votre défouloir, c’est nécessaire. Et exprimez-vous, toujours.

Car contrairement à George Floyd, nous avons la chance de respirer encore et nous avons une voix : alors utilisons-la. 

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