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POURQUOI LA COUR SUPRÊME ?

written by Solène 4 juillet 2022

Adolescente, je vivais dans un monde où d’autres Suprêmes étaient connues pour chanter Stop! In the name of love et ou Joey Star et Kool Shen (Suprême NTM) ne laissaient pas traîner leurs fils. De suprême, il n’y avait que la musique. 

Adolescente, je considérais le droit à l’IVG comme acquis. Je suis née avec le droit et le devoir de voter, des cours d’éducation sexuelle au collège, l’accès à la contraception, à un compte en banque, les plannings familiaux, la liberté de parole et toutes les femmes de ma famille, sans exception, menaient carrière et vie de famille si elles le souhaitaient. 

Bref, je suis née et j’ai grandi dans un monde où les femmes avaient le choix. Le choix de disposer de leurs corps, de faire un métier, d’être libres et indépendantes. C’était la normalité. Puis j’ai grandi, un peu plus.

Et j’ai observé, j’ai constaté et j’ai vécu les inégalités. J’ai vu que lorsqu’une femme adoptait le même comportement qu’un homme, elle n’était pas traitée de la même façon. 

Une femme qui à plusieurs partenaires sexuels est une pute. Je m’excuse de ce vocabulaire quelque peu inapproprié dans la bouche de la jeune femme que je suis (ah!), mais appelons un chat, un chat. Un homme, lui, est un Don Juan. 

Une femme qui ose être un peu autoritaire dans son métier est caractérielle, joue au “pti chef” ou encore “doit avoir ses règles”. Bref, c’est… une connasse. Un homme, lui, fait juste son boulot. Deux exemples, beaucoup trop de contradictions. 

Alors je suis devenu féministe. Car si les droits étaient acquis et immuables, la culture, les coutumes, les regards, la considération, le respect, le traitement, bref, les mœurs et les mentalités ne suivaient pas. Ils ne suivent toujours pas, et l’on observe aujourd’hui quelque chose de fatal : lorsque les mœurs et les mentalités ne suivent pas un progrès sociétal inscrit dans une loi, alors ce sont nos droits qui peuvent nous être enlevés. 

C’est le cas dans de nombreux pays, nous l’avons observé récemment dans l’un des pays les plus progressistes en matière de droits des femmes. Un pays, où il n’y a pas si longtemps, l’hymne nationale était interprété par Beyoncé (Beyoncé !). Who run the world ? Girls ? Rien n’est moins sûr. 

Alors oui, parfois les féministes semblent porter des combats inutiles : les poils, l’écriture inclusive, le summer body… Et pourtant, ce sont tous ces détails qui amènent à des changements de mœurs, de mentalité. 

Ce sont tous ces détails qui rappellent à qui veut l’entendre que les femmes doivent être l’égal de l’homme, même si cela implique de ne pas nous délester de nos poils, si on le souhaite et sans jugement, s’il vous plait, merci. 

Ces petits combats inutiles, dont aiment s’emparer les médias, pour décrédibiliser le féminisme, cachent les combats de fond : les violences sexistes et sexuelles, le harcèlement, la culture du viol, les inégalités de salaire, les féminicides et j’en passe. 

Et surtout, elles se battent pour conserver nos droits. Ceux, qu’adolescente, je pensais inébranlables. Car rien n’est acquis, jamais, et ce n’est pas Simone de Beauvoir qui nous contredirait.   

“N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.” Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe (1949). 

Voilà, pour ceux qui se demandent à quoi sert le féminisme dans un pays où nous avons déjà obtenu l’égalité des droits. 

Aujourd’hui, aux Etats-Unis, n’oublions pas qu’au final, c’est la démocratie qui a parlé. Explications. 

On peut se demander pourquoi une poignée de juges constituée d’hommes et de femmes (s’il faut le rappeler), du haut de leur tour d’ivoire, ont ouvert la boîte de Pandore “Suprême” et se sont donné le pouvoir de toucher indirectement à des droits fondamentaux qui ne les concernent pour la plupart pas. 

Mais on doit aussi se demander comment le peuple américain a élu à la tête de chaque État des représentants qui se sont aussitôt saisi de l’opportunité pour revenir sur ce droit fondamental et l’interdire. 

Aujourd’hui, de l’autre côté de l’Atlantique, nous nous devons de faire notre propre critique. La voie démocratique est pavée de bonnes intentions, encore faut-il s’en saisir. 

Parce que statistiquement, une personne sur deux lisant cette newsletter, n’a pas été voté aux législatives.

À bon entendeur, salut !

Je sais qu’en vous abonnant à cette newsletter, vous attendiez un shot de bonne humeur, mais je crois qu’il y a un temps pour tout. Et aujourd’hui il est temps de se révolter, de s’indigner et de casser les codes, mais pas les lois.  

Bon dimanche à vous 💜. 


💡 À lire sur le sujet, l’excellente newsletter d’Arwa Mahdawi pour The Guardians dans laquelle elle nous explique que nous ne revenons pas en arrière comme beaucoup le disent, mais nous allons bel et bien vers un futur encore plus sombre. L’explication ? Désormais, l’intelligence numérique dont nous disposons permet de surveiller étroitement les faits et gestes des femmes qui tenteraient de faire usage de pilules abortives, ou de chercher un moyen d’avorter. Vive le progrès.

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